19 Octobre 2021

Fintech R:Evolution : Faster, Stronger, Better

En plein pendant la French Fintech Week, qui se tenait à Paris du 8 au 15 octobre, France Fintech a réuni ce jeudi 14 octobre les entrepreneurs de la fintech française sur le Toit de la Grande Arche à la Défense. Cette année, le thème tenait en trois mots : "Faster, Stronger, Better". Le changement de dimension de l'événement, qui a migré de Station F à la Défense, illustrait à merveille le dynamisme de la fintech en France et à l'international. Retour sur quelques uns des moments marquants de cette édition.




A peine arrivé sur l'Esplanade de la Défense, on ne peut s'empêcher de lever les yeux vers la Grande Arche. Après une ascension express, qui n'est pas sans rappeler l'accélération des montants levés par les startups françaises ces dernières années, on atterrit sur le toit du bâtiment. La salle bouillonne déjà, la fine fleur de la fintech s'active à l'intérieur. Certains networkent, d'autres rejoignent au pas de course une conférence qui vient de commencer, pendant que les derniers tendent une oreille vers l'espace qui voit se succéder les pitchs d'entrepreneurs.

Le hasard et la géographie du lieu font que l'on se retrouve d'emblée dans la salle Talents & Management, qui abrite des conférences animées par l'entrepreneur et podcasteur Matthieu Stefani. On y parle de recette pour créer sa fintech avec le fondateur de Swan, Nicolas Benady, et la co-fondatrice d'Anaxago, Caroline Lamaud Dupont, ou encore de la figure médiatique de l'entrepreneur. Comment faire entendre sa voix dans une presse avide de succès, prompte à transformer les CEO en gourous, sans perdre de vue ses objectifs business ? Trois entrepreneurs médiatiques, à la tête de fintechs qui le sont tout autant (IbanFirst, Shine et Seyna), sont venus partager leur expérience au micro de celui qui leur donne régulièrement la parole, dans son podcast "Generation Do It Yourself".

Après avoir décortiqué le facteur humain commun à toutes ces aventures entrepreneuriales, il est temps d'aborder le sujet clé que constituent les financements. C'est sur la scène Economie & Société que vont débattre, pendant près d'une heure, deux des VC les plus actifs en France, l'un des entrepreneurs les mieux financés, et la CEO de la Bourse de Paris. Interrogé par Solenne Niedercorn-Desouches sur ce qui caractérise l'escalade des financements dans la fintech, David Thevenon, General Partner du fonds londonien Balderton Capital, remarque trois aspects : la hausse des montants levés par les startups dans le monde et en Europe en particulier, le nombre de plus en plus important de mégalevées (supérieures à 250 millions d'euros), et une provenance des fonds en pleine évolution. Alors qu'ils provenaient essentiellement d'Europe auparavant, les fonds levés par les fintechs viennent aujourd'hui d'Asie et des Etats-Unis. David Thevenon prend ainsi l'exemple de hedge funds américains tels que Tiger Global ou Coatue Management, qui, plus habitués à opérer sur les marchés publics, observent aujourd'hui avec attention les retours intéressants sur les marchés privés. Lorsqu'ils investissent dans des startups européennes, ils déploient très rapidement des montants importants, et ont l'avantage de ne pas être très actifs au board de ces startups. "Ces fonds recherchent du ROI et un accès à de l'information privilégiée afin de faire plus d'argent sur les marchés publics", avance le General Partner de Balderton.





Des capitaux qui affluent presque naturellement vers les meilleures fintechs européennes

Son confrère Matthieu Baret, Managing Partner du fonds Eurazeo, abonde dans son sens en constatant qu'aujourd'hui, il n'y a pas de différence de multiples à la sortie entre les startups européennes et américaines. Cela rend les investissements dans les premières très attractifs, puisqu'elles sont en général moins consommatrices de cash que les entreprises américaines. Néanmoins, il rappelle que seulement quelques projets attirent l'essentiel des capitaux, et que le fait que les fonds affluent sur les marchés ne signifie pas qu'il est pour autant facile de lever de l'argent.

De son côté, Delphine d'Amarzit dénombre 154 nouvelles cotations en bourse en 2021 - "du jamais vu depuis 2015" pour la CEO d'Euronext. "Aujourd'hui, on n'est plus obligé de déraciner les entreprises européennes", estime-t-elle, "puisque l'écosystème permet à chacun d'opérer de là où il le souhaite". Alors qu'ils se regardaient autrefois en chien de faïence, le private et le public equity sont désormais dans une logique de coopération fructueuse selon la CEO d'Euronext.

Qu'en pense le CEO de Ledger, Pascal Gauthier, dont la startup vient de lever 380 millions d'euros ? D'abord, il met en garde contre la tentation de tirer des conclusions trop hâtives : "Il faut laisser du temps au temps, et attendre un cycle d'investissement complet avant d'en faire le bilan", prévient-il. Pour l'entrepreneur qui a commencé sa carrière chez Yahoo, le taux d'échec en Série C est presque aussi important qu'en seed. Il rappelle que "lever de l'argent n'est pas une réussite en soi", précisant même que cela peut perturber l'entreprise dans certains cas. En ce qui concerne son secteur, les cryptomonnaies, il ne peut s'empêcher de pointer du doigt le conservatisme technologique des fonds parisiens que son entreprise est allée voir au début de l'aventure. Le fait qu'aucun fonds européen, mis à part XAnge, n'ait fait confiance à la startup à ses origines, n'est pas sans poser problème en termes de souveraineté économique pour le futur. On lui laissera le soin de conclure cette table ronde passionnée : "Il ne faut pas perdre de vue que ce qui caractérise l'histoire des entreprises, c'est que ce ne sont que des passages, sans qu'on n'arrive jamais nulle part". De quoi donner matière à penser aux entrepreneurs dans la salle...

Dans les salles voisines se succèdent des conférences sur des thèmes aussi variés que l'assurance, le paiement "augmenté", les nouvelles façons d'épargner ou encore les NFT, ces actifs d'un genre nouveau basés sur la blockchain. Pour John Karp, spécialiste des NFT, "la France a tout pour devenir leader sur ce marché !". Pendant ce temps, quatre fintechs prometteuses viennent dévoiler leur stratégie marketing sur la scène Scale-up : Ecotree, Pennylane, Finfrog et Lemonway. Ce qui frappe, outre la pertinence et la diversité de leurs stratégies marketing respectives, c'est la passion avec laquelle les quatre intervenants (deux hommes, deux femmes, illustrant une parité qui, si elle n'est pas encore un fait dans le secteur, ressemble au moins à un horizon atteignable) s'expriment. L'événement se conclut par une remise des prix visant à couronner trois fintechs, parmi celles qui ont pitché toute la journée. Dans le jury figurait notamment le fonds d'investissement BlackFin Tech, qui investit exclusivement dans la fintech et l'insurtech, et ce partout en Europe.

Le président de France Fintech, Alain Clot, profite de son allocution finale pour remercier et faire monter sur scène toute son équipe - constituée de nombreux bénévoles. Si le soleil ne va pas tarder à se coucher sur le toit de la Grande Arche, il semble briller durablement sur les fintechs françaises. Rendez-vous l'an prochain pour en juger.