Monnaies numériques : une mutation sous contrôle
Une étude menée par la Banque des règlements internationaux (BRI) et plusieurs banques centrales examine les opportunités et défis des monnaies numériques des banques centrales, avec un accent sur leurs implications juridiques et économiques.
La Banque des règlements internationaux (BRI), en partenariat avec sept banques centrales (Canada, Angleterre, Japon, BCE, États-Unis, Suède et Suisse), a publié une étude analysant les opportunités et les défis liés au développement des monnaies numériques des banques centrales. Ces initiatives, portées par la nécessité d’adapter les systèmes monétaires aux réalités numériques, suscitent un vif intérêt auprès des décideurs politiques et économiques.
Le rapport s’inscrit dans un contexte d’accélération des expérimentations de monnaies numériques à travers le monde. Actuellement, plus de 130 pays étudient ou testent activement ces technologies. Selon l’étude, les monnaies numériques de banque centrale pourraient constituer une réponse stratégique aux failles des systèmes de paiement existants, tout en proposant une alternative publique aux cryptomonnaies privées souvent perçues comme volatiles et non réglementées.
Inclusion financière et modernisation des paiements
L’une des principales promesses des CBDC (central bank digital currencies, ou monnaies numériques de banque central) réside dans leur capacité à améliorer l’inclusion financière. Dans les économies émergentes où une part importante de la population reste non bancarisée, ces monnaies numériques pourraient jouer un rôle crucial en fournissant un accès direct aux systèmes financiers sans nécessiter de compte bancaire traditionnel.
Les CBDC offrent également des gains potentiels en termes de rapidité et de coût des transactions, tant au niveau domestique qu’international. Contrairement aux systèmes de paiement transfrontaliers actuels, souvent complexes et onéreux, une infrastructure basée sur des CBDC pourrait simplifier ces échanges en réduisant les intermédiaires et en standardisant les protocoles.
Cependant, ces avantages supposent une architecture technique robuste et sécurisée. La BRI insiste sur l’importance d’un développement progressif, intégrant des phases de test approfondies pour garantir l’efficacité et la résilience des systèmes.
Traçabilité contre confidentialité : un dilemme persistant
Le rapport de la BRI met en avant les tensions entre la traçabilité des transactions et la protection de la vie privée. D’un côté, les CBDC, en offrant un suivi précis des flux financiers, peuvent devenir des outils puissants pour lutter contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et la fraude fiscale. De l’autre, cette capacité de surveillance soulève des questions éthiques et juridiques, notamment sur la confidentialité des données personnelles des utilisateurs.
Les chercheurs proposent des solutions techniques pour concilier ces impératifs. Parmi celles-ci, la mise en place de niveaux d’anonymat différenciés en fonction de la nature des transactions. Par exemple, les paiements de faible montant pourraient être pseudonymes, tandis que les transactions plus importantes nécessiteraient une identification complète.
Une interopérabilité internationale à construire
Les CBDC soulèvent également des défis en matière de coordination internationale. Alors que les paiements transfrontaliers sont essentiels au commerce et à l’investissement, l’absence de normes communes pourrait créer des fragmentations monétaires et compliquer les échanges. Le rapport souligne ainsi la nécessité d’un dialogue renforcé entre les autorités monétaires pour établir des standards techniques et juridiques partagés.
Des projets pilotes, comme ceux menés par des partenariats entre la Banque centrale européenne et la Banque du Japon, montrent la voie. Ces initiatives visent à tester des systèmes compatibles permettant aux CBDC de différents pays de fonctionner ensemble sans heurts. La BRI recommande d’amplifier ces efforts pour éviter que des solutions isolées ne compromettent l’efficacité globale.
Les recommandations pour une adoption réussie
L’étude préconise une approche prudente et concertée pour le déploiement des MNBC. Parmi les recommandations principales figurent :
- Développer une infrastructure technique résiliente capable de traiter un grand nombre de transactions en temps réel tout en restant sécurisée contre les cyberattaques.\n
- Impliquer les acteurs privés comme les institutions financières et les fournisseurs de technologies pour favoriser l’innovation et l’acceptation publique.
- Renforcer la coopération internationale, non seulement entre banques centrales, mais aussi avec des organismes tels que le FMI et l’OMC, afin de garantir une gouvernance harmonieuse.\n
Une transformation à long terme
Les chercheurs de la BRI et des banques centrales partenaires concluent que les MNBC ne sont pas simplement une innovation technologique, mais une transformation structurelle des systèmes monétaires. Leur adoption pourrait remodeler les interactions économiques à l’échelle mondiale, tout en soulevant des débats fondamentaux sur la souveraineté monétaire, la vie privée et la gouvernance internationale.