Les conséquences de la guerre commerciale Chine-USA

Publié le 23 avril 2025

L’offensive lancée début avril par l’administration Trump contre les importations chinoises déclenche une nouvelle guerre commerciale à l’échelle mondiale. Pékin contre-attaque, les marchés se tendent, et les institutions internationales alertent sur les conséquences d’un repli protectionniste massif.

Le 9 avril, la Maison Blanche a officialisé une série de nouveaux droits de douane visant la quasi-totalité des produits chinois importés aux États-Unis. Les hausses sont spectaculaires : jusqu’à 145 % pour certaines catégories de biens. Pour l’administration Trump, il s’agit d’obtenir de Pékin des concessions commerciales, notamment sur l’achat de produits américains, et de rééquilibrer une balance commerciale déficitaire.

Dans les heures qui ont suivi, la Chine a répliqué en doublant ses propres tarifs sur les importations américaines, désormais taxées à hauteur de 125 %. Le gouvernement chinois a affirmé “ne pas craindre l’affrontement” et a nommé un nouvel émissaire commercial pour gérer la crise. Washington, de son côté, estime que “la balle est dans le camp de la Chine” après l’échec de discussions sur des commandes de Boeing.

Une onde de choc économique mondiale

La violence de l’affrontement inquiète les institutions économiques. Un rapport publié le 16 avril par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) prévoit une contraction de 0,2 % du commerce mondial en 2025, alors qu’il était initialement attendu en croissance de 2,7 %. Selon le FMI, l’impact est encore plus marqué en Amérique du Nord, où la croissance pourrait être amputée de 1,6 point.

Les conséquences ne se limitent pas à un ralentissement conjoncturel. L’OMC met en garde contre la possibilité d’un repli structurel des investissements internationaux, de la délocalisation de chaînes d’approvisionnement et d’une fragmentation durable des échanges. En Europe, l’Allemagne et les Pays-Bas, très dépendants du commerce extérieur, anticipent un net ralentissement de leurs exportations.

Inflation importée et tensions sur les prix

La Réserve fédérale américaine a réagi en soulignant le risque inflationniste. Selon son président, les nouvelles taxes devraient se traduire par une hausse immédiate des prix à la consommation, dans un contexte où l’inflation reste déjà sous surveillance. Si cette poussée des prix s’avère durable, la Fed pourrait devoir relever ses taux directeurs, au risque de compromettre la reprise de la croissance.

Les produits concernés par les hausses tarifaires sont au cœur de la consommation courante : téléphones, jouets, batteries, microélectronique. Certains composants essentiels dans l’industrie automobile ou l’électroménager sont également touchés. Pour les ménages américains, l’effet sera immédiat sur le pouvoir d’achat. Plusieurs enseignes de grande distribution ont déjà averti qu’elles ne pourront pas absorber à elles seules ces surcoûts.

Chaînes d’approvisionnement et contournements

Un autre effet indirect, mais tout aussi préoccupant, tient aux perturbations dans les chaînes logistiques. Depuis la première guerre commerciale lancée par Trump en 2018, de nombreux fournisseurs chinois ont délocalisé une partie de leur production en Asie du Sud-Est (Vietnam, Cambodge, Thaïlande) pour éviter les sanctions. L’administration Trump a rapidement réagi en élargissant ses “tarifs réciproques” à ces pays — avant de décréter une pause de 90 jours pour négocier.

Mais cette pause ne concerne pas la Chine, dont les exportations sont désormais massivement taxées. Certains produits chinois continueront malgré tout à entrer aux États-Unis via des circuits indirects, ce qui pourrait compliquer la lisibilité et l’efficacité du dispositif douanier. Washington envisage par ailleurs d’exercer des pressions diplomatiques sur les partenaires commerciaux de la Chine, notamment en Afrique et en Amérique latine.

Risques géostratégiques et guerre des matières premières

La Chine, de son côté, dispose de leviers stratégiques puissants. Elle pourrait durcir ses restrictions sur l’exportation de certains métaux critiques, comme le gallium ou le germanium, indispensables à l’industrie électronique et à la défense. Elle détient plus de 80 % des capacités de raffinage mondiales pour plusieurs métaux rares utilisés dans les puces électroniques, les batteries et les énergies renouvelables.

À l’inverse, les États-Unis envisagent de renforcer leur embargo technologique sur la Chine en bloquant l’accès aux puces avancées nécessaires au développement de l’intelligence artificielle et des semi-conducteurs. La confrontation ne se limite donc plus au terrain commercial : elle s’étend à des domaines clés de souveraineté industrielle, énergétique et numérique.

Déstabilisation des marchés tiers

L’Europe et les pays émergents sont directement exposés aux effets secondaires du conflit. Pour certains, comme le Mexique ou le Vietnam, la guerre commerciale représente une opportunité de capter une partie des flux déviés. Mais pour d’autres — notamment les exportateurs de matières premières — le ralentissement global de la demande chinoise et américaine aura des effets en cascade sur les cours des produits, l’investissement et l’emploi.

Le risque de “dumping” chinois sur les marchés européens est également mentionné par plusieurs fédérations industrielles. Des produits comme l’acier ou les panneaux solaires, désormais bloqués aux États-Unis, pourraient affluer vers l’UE à bas prix, mettant en péril les producteurs locaux. Le Royaume-Uni a déjà tiré la sonnette d’alarme sur la possible arrivée massive d’acier chinois à prix cassé.

Une fragmentation du commerce mondial

Ce nouvel épisode de guerre commerciale ravive les craintes d’un découplage structurel entre les deux plus grandes puissances économiques mondiales. Alors que les chaînes de valeur globalisées ont été un moteur de croissance pendant des décennies, l’affrontement sino-américain pourrait accélérer une logique de blocs, où chaque puissance cherche à verrouiller ses approvisionnements et à sécuriser ses débouchés.

Selon la Banque mondiale, un découplage complet coûterait jusqu’à 5 % de PIB à l’économie mondiale sur le long terme. La pression est donc forte pour éviter l’irréversible. Mais les signaux envoyés depuis Washington comme depuis Pékin laissent entrevoir une confrontation prolongée, où les intérêts politiques et stratégiques l’emportent sur les considérations économiques.

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