L’Australie veut mieux réglementer la crypto

Publié le 1 avril 2025

Le gouvernement d’Anthony Albanese dévoile une réforme réglementaire ciblant les plateformes de cryptomonnaies et les stablecoins, dans un contexte politique tendu.

L’Australie franchit une nouvelle étape dans la régulation des actifs numériques. Le gouvernement fédéral, dirigé par le Premier ministre Anthony Albanese, a publié le 21 mars une feuille de route réglementaire visant les plateformes d’échange de cryptomonnaies, les services de garde d’actifs numériques et certains émetteurs de stablecoins. L’objectif est double : protéger les consommateurs et offrir davantage de clarté juridique à une industrie en pleine expansion.

Une approche ciblée et alignée sur les standards internationaux

Le futur cadre réglementaire, qui s’appuiera sur les lois australiennes existantes en matière de services financiers, exigera des plateformes crypto qu’elles obtiennent une licence de services financiers (AFSL). Cette obligation concernera les opérateurs de grande envergure, tandis que les petites structures et les entreprises développant des logiciels ou des actifs numériques non financiers resteront en dehors du périmètre.

Inspirée des régimes déjà en place dans l’Union européenne (MiCA) et à Singapour (Payment Services Act), la réforme australienne adopte une approche progressive. Les stablecoins utilisés comme moyens de paiement seront considérés comme des « stored-value facilities » (SVF), équivalents de la monnaie électronique, et seront soumis à des obligations de conformité spécifiques.

Le Trésor australien insiste sur l’importance d’harmoniser ses règles avec les meilleures pratiques internationales pour renforcer la compétitivité du pays dans le domaine des actifs numériques.

Vers une clarification du traitement des actifs numériques

Outre les exigences de licence, les plateformes devront fournir des informations transparentes sur les actifs listés, notamment en cas d’absence d’émetteur identifiable. La réglementation vise ainsi à renforcer la protection des utilisateurs, sans pour autant freiner l’innovation.

Le secteur de la finance décentralisée, pour l’instant, reste en dehors du champ d’application, le gouvernement estimant que des clarifications sont encore nécessaires à l’échelle mondiale. De même, les NFT et actifs non financiers, comme les objets virtuels dans les jeux, ne seront pas concernés.

Par ailleurs, une nouvelle version de l’Information Sheet 225 de l’Australian Securities and Investments Commission (ASIC) est attendue. Ce document permettra d’éclaircir les situations dans lesquelles un actif numérique est considéré comme un produit financier, avec 13 cas concrets à l’appui.

Un signal fort contre le « debanking »

Au-delà de la régulation des plateformes, le gouvernement entend aussi agir sur le phénomène du debanking – ces refus ou restrictions imposés par les banques aux entreprises du secteur crypto. Une enquête sera menée en lien avec les quatre grandes banques australiennes pour mieux comprendre l’ampleur de cette pratique et mettre en place des mesures d’atténuation.

Le nouveau régime de licence vise à instaurer davantage de transparence et de gestion des risques, ce qui pourrait rassurer les institutions financières et réduire les blocages.

Une réforme soumise à l’incertitude politique

La publication de ce plan intervient dans un contexte électoral incertain. Les prochaines élections fédérales doivent se tenir d’ici au 17 mai, et les sondages montrent un duel serré entre le Parti travailliste au pouvoir et la Coalition d’opposition menée par Peter Dutton. Ce dernier a d’ailleurs lui aussi promis de faire de la régulation crypto une priorité s’il accède au pouvoir.

D’ici là, le gouvernement prévoit de publier un projet de loi pour consultation publique avant la fin de l’année. Le Trésor a également annoncé l’élargissement du regulatory sandbox, un dispositif permettant aux entreprises de tester des services financiers innovants sans licence préalable. En parallèle, la Banque de réserve d’Australie poursuivra ses travaux sur une monnaie numérique de banque centrale (CBDC) à usage interbancaire.

À l’instar de l’Europe et de Singapour, l’Australie cherche donc à trouver l’équilibre entre encadrement strict et encouragement à l’innovation. Reste à voir si le prochain gouvernement poursuivra cette orientation ou l’ajustera en fonction de ses priorités politiques. D’ici là, l’industrie crypto australienne se prépare à entrer dans une nouvelle phase de maturité réglementaire.

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