Cursor en orbite
La start-up américaine Ansysphere à l’origine de Cursor, un éditeur de code boosté à l’intelligence artificielle, atteint les 9 milliards de dollars de valorisation. Elle devient l’un des leaders de la révolution du "vibe coding".
La start-up Anysphere, fondée en 2022 par quatre diplômés du MIT, vient de boucler un tour de table de 900 millions de dollars mené par Thrive Capital. Participent également à cette levée Andreessen Horowitz (a16z) et Accel, deux figures majeures du capital-risque américain. Selon le Financial Times, l’opération valorise désormais Anysphere à 9 milliards de dollars, contre 2,5 milliards lors de son précédent tour de financement en janvier. C’est l’une des plus importantes levées de fonds du secteur en 2025.
Cursor, un éditeur de code qui a conquis les développeurs
Au cœur du succès d’Anysphere se trouve Cursor, un éditeur de code intégré (IDE) qui combine un environnement classique à une interface IA avancée. Inspiré de Visual Studio Code, Cursor permet d’écrire, corriger ou restructurer du code à l’aide de commandes en langage naturel. Il intègre des modèles d’IA développés par OpenAI, Google, ainsi qu’un moteur maison baptisé Cursor-Fast, qui se situe entre GPT-3.5 et GPT-4 en termes de performance.
Cursor se distingue par sa fluidité : il propose différents modes de travail, du guidage manuel ligne par ligne à l’automatisation complète. Certains utilisateurs l’ont rapidement adopté en remplacement de GitHub Copilot, séduits par sa rapidité, sa capacité à comprendre des bases de code complexes, et sa fonction “Apply” qui applique automatiquement les modifications suggérées.
Un outil adopté par les géants de la tech
Cursor s’est d’abord diffusé discrètement dans les équipes techniques de grandes entreprises comme Stripe, Spotify ou OpenAI. Il y serait aujourd’hui utilisé pour générer près d’un milliard de lignes de code par jour. Cette adoption rapide a permis à Anysphere de franchir en quelques mois la barre des 200 millions de dollars de revenus annuels récurrents, un score exceptionnel dans un secteur aussi jeune.
La levée de fonds devrait permettre à la société de poursuivre le développement de ses propres modèles IA, avec pour objectif affiché de réduire sa dépendance à OpenAI et aux autres fournisseurs tiers. Une offre d’emploi récemment publiée laisse entendre qu’Anysphere travaille sur une architecture “mixture of experts”, dans laquelle plusieurs réseaux neuronaux spécialisés coopèrent pour améliorer la précision et réduire les coûts d’inférence.
Le "vibe coding", nouvelle philosophie de développement
Le succès de Cursor ne tient pas uniquement à ses performances techniques. L’outil incarne un changement profond dans la manière dont les développeurs interagissent avec leur code. Popularisée par le chercheur Andrej Karpathy, l’expression “vibe coding” décrit une nouvelle approche où coder devient plus fluide, plus intuitif, proche d’un dialogue avec la machine.
Dans cette logique, l’IA ne remplace pas le développeur, mais l’accompagne, anticipe ses intentions et les traduit en solutions techniques. C’est cette promesse — écrire du code comme on écrirait une idée — qui confère à Cursor un statut quasi mythique dans certaines communautés d’ingénieurs.
Une concurrence qui s’intensifie
Anysphere n’est pas seul sur ce terrain. OpenAI, qui avait tenté sans succès de racheter la start-up, vient d'acquérir Windsurf (anciennement Codeium), un concurrent intégré à l’écosystème Microsoft. Ce dernier serait valorisé autour de 3 milliards de dollars. D’autres acteurs comme Replit ou Amazon (avec CodeWhisperer) occupent également des positions solides.
La levée massive d’Anysphere intervient dans un contexte où les investissements en assistants de programmation IA explosent. Le capital injecté dans ce segment aux États-Unis a presque doublé entre 2023 et 2024, passant de 420 à 780 millions de dollars selon les estimations de Business Insider. Cette dynamique s’explique par un effet de réseau : plus les développeurs adoptent ces outils, plus les entreprises doivent s’y adapter pour rester compétitives.
Un défi de pérennité
Avec 900 millions de dollars en trésorerie, Anysphere dispose désormais des ressources pour accélérer son développement, améliorer ses modèles, et étoffer ses services. Mais les attentes sont aussi très élevées. L’enjeu n’est plus seulement de proposer un outil performant, mais de conserver une avance durable à l’heure où les grands groupes tentent de capter l’essentiel de la valeur.
Le risque de banalisation guette tous les éditeurs de logiciels IA. Dans un marché où l’assistance au codage devient progressivement une commodité, la différenciation passera par la qualité de l’expérience utilisateur, la fiabilité des modèles et la capacité à s’intégrer dans les flux de travail des grandes entreprises.
Anysphere a su créer un produit innovant et fédérateur. Reste désormais à transformer cette promesse en plateforme pérenne. Le “vibe coding” ne fait que commencer.