Comprendre les défis juridiques de l’IA
Mercredi 2 octobre, experts de l’IA et acteurs du secteur juridique ont abordé l’impact de l’IA sur le droit à travers des keynotes, des tables rondes, et des cas d’usage.
"Comment mettre en place dès à présent un droit pratique et accessible à tous les justiciables de l'intelligence artificielle ?" : mercredi 2 octobre, experts de l'IA, entrepreneurs, avocats et magistrats avaient rendez-vous à La Place pour répondre à cette épineuse question et aborder les aspects juridiques et techniques de l'intelligence artificielle.
Une matinale qui débute par l'intervention de Denis Rothman, auteur franco-américain de plusieurs best-sellers aux États-Unis sur l'intelligence artificielle, qui dresse un rapide rappel de l'histoire de l'intelligence artificielle. Une aventure qui démarre dans les années 1950 lorsqu'Alan Turing pose la question "Est-ce qu'une machine peut penser ?" jusqu'aux années 2010 où l'IA est successivement devenue plus forte que l'homme au jeu de go, puis aux échecs. Au moment d'aborder la présentation au grand public de ChatGPT en novembre 2022, Denis Rothman regrette que celle-ci ait eu lieu avant la régulation de l'IA : "On ne transmet pas un tel outil au grand public avant d'avoir établi les lois. Tout a été fait à l'envers".
Pour analyser l'impact de l'intelligence artificielle pour les entreprises, le public de la matinale peut compter sur l'éclairage de Sébastien Raynoird-Thal, CEO d'Efimove, une société spécialisée dans l'intégration de solutions d'IA et d'innovations technologiques pour les entreprises : "Intégrer de l'IA dans une entreprise est un projet informatique. Cela demande la mise en place de moyens de supervision correctement déployés. Ce n'est souvent pas le cas, notamment dans les TPE-PME", déplore-t-il.
Face aux défis que pose le développement exponentiel de l'intelligence artificielle, quelle doit être alors la réponse du secteur juridique ? Pour Maître Mohand Ouidja, "On risque d'arriver à une situation où les magistrats et les tribunaux, qui constituent la dernière chaîne de la décision humaine, vont se retrouver face à une complexité technique qui les dépasse". Une situation alarmante qui nécessite une réaction immédiate : "Les juristes de demain vont devoir combiner à leur expertise une culture numérique prononcée, au risque de perdre le contrôle".
Cette culture numérique passe notamment par la connaissance des textes de droit sur l'intelligence artificielle, notamment le récent AI Act européen. Diane Galbois-Lehalle, maître de conférence en droit privé à l'Institut Catholique de Paris et créatrice il y a trois ans du premier master en droit de l'IA en France, apporte son éclairage sur ce texte, mais également sur d'autres initiatives moins connues. "Cette régulation est incomplète, et doit être complétée par d'autres secteurs du droit" explique Diane Galbois-Lehalle, qui cite d'autres projets du parlement et de la commission européenne pour poser des règles en matière de responsabilité civile, applicables aux dommages causés par les systèmes d'IA.
La matinée se concluent sur deux simulations de procès qui voient avocats, magistrats et experts s'affronter sur deux cas de litiges autour d'un systèmes d'intelligence artificielle. Dans le premier cas, un fabricant de pneus pour véhicules lourds qui connaît des pertes en raison du dysfonctionnement de son système d'IA ayant mal calculé les dimensions de pneus. Dans le second cas, une société de gestion de portefeuille qui subit une perte de 5 millions d'euros en raison d'une décision erronée d'un système d'intelligence artificielle de trading.
Autour de la table, Denis Rothman, Sébastien Raynoird-Thal, Mohand Ouidja, Olivier Michel (commissaire de justice à Paris) et Jean Corbu, vice-président du Tribunal judiciaire de Paris, jouent le jeu pour illustrer les complexités nouvelles des batailles juridiques autour des solutions d'IA et des potentiels litiges qu'elles peuvent créer. De quoi conclure le plus concrètement possible une matinée enrichissante autour des enjeux juridiques de l'IA.