Interview : Morgan Hunault-Berret, associée chez Villechenon
L’avocate Morgan Hunault-Berret, intervenue à l’occasion de la matinale « L’IA et la croissance » du jeudi 4 juillet, revient pour La Place sur l’Observatoire du financement de l’IA dont elle est membre. Spécialisée en Private Equity, Venture Capital et M&A, elle apporte son expertise juridique à l’Observatoire.
La Place : Pourquoi avoir rejoint l’Observatoire du financement de l’IA ?
Morgan Hunault-Berret : L’Observatoire du financement de l’IA a été créé en avril dernier, et compte en son sein plusieurs membres de fonds français s’intéressant aux entreprises d’intelligence artificielle. De mon point de vue, il est une occasion de confronter mes idées, et les informations dont je dispose. En effet, au travers les transactions que je traite et les échanges que j’ai par ailleurs avec l’ecosysteme, je dispose d’un certain nombre d’informations mais cet observatoire permet de compléter et ou modérer les tendances que j’observe à mon niveau. Ainsi, j’ai l’opportunité de confronter mon ressenti avec plusieurs représentants de fonds (Elaia, Daphni, Serena) qui touchent chacun à des sujets différents, ce qui donne à l’Observatoire un côté éclectique intéressant. J’apporte de mon côté mon expérience d’avocat et ma connaissance de la partie légale des deals d’IA qui ont certaines spéficifités techniques.
Quels sont les principaux enseignements faits par l’Observatoire depuis sa création ?
Que la France a été assez active sur le sujet de l’IA. C’est un sujet d’attention important notamment du côté des fonds français, contrairement au « french bashing » ambiant. Dès que les transactions ont trait à l’IA, il y a de la concurrence sur ces deals. Dans certaines transactions, les VCs ont accepté de de prendre de plus petits tickets qu’à leur habitude pour être surs d’être de la partie. De manière générale, une majorité des fonds français portent une attention toute particulière aux sujets d’IA à l’heure actuelle. Si on se place à l’échelle mondiale et non plus seulement française, pensez-vous qu’on puisse parler aujourd’hui d’un phénomène de « bulle » concernant les valorisations qu’atteignent certains géants de l’IA, sans pour autant que leur rentabilité suive ?
Selon moi il est encore trop tôt pour le dire. Il y a une effervescence que l’on pourrait trouver exagérée mais le sujet est suffisamment disruptif pour s’y intéresser et à l’heure actuelle nous n’avons pas encore les résultats. Il est aujourd’hui trop prématuré de dire qu’il s’agit d’une bulle et que cela ne vaut pas le coup. Il est vrai que sur certaines transactions compétitives, les valorisations sont très importantes et les « tickets » sont chers mais il faudra attendre les sorties pour savoir si c’était le bon prix ou non… . Il faut aussi relativiser car en Seed même si elles restent élevées, les valorisations restent abordables dans les transactions que j’ai pu observer.. Mon propos est donc plus mesuré.
Dans le cadre de vos échanges avec les différents VCs, quel regard avez-vous sur l’activité hors-IA de ces derniers ?
L’IA représente aujourd’hui 15% de mon activité. Dans le reste des technologies très prisées des VCs, les SaaS (software-as-a-service) reviennent très régulièrement, mais aussi l’edtech, les Ad techs, les legaltechs, les medtechs etc, etc… L’IA en elle-même touche différents domaines, comme par exemple la santé : on peut citer l’exemple de la société bordelaise Synapse Médicine qui a levé 14,33 millions d'euros récemment pour améliorer son IA d'aide à la prescription médicale. Leur cas est intéressant : lors de leur première levée de fonds, on ne parlait pas encore d’IA. Depuis, l’entreprise a ajouté de l’IA à sa technologie, mais ce qui a intéressé les investisseurs au départ, c’est l’activité en elle-même, pas nécessairement la composante IA de leur activité, qui est un plus.
Quel est le profil des entreprises marquées « IA » qui intéressent les investisseurs français à l’heure actuelle ?
Cette année on a surtout pu observer une multiplication d’entreprises proposant des cas d’usage concrets de l’IA. Il existe également des cas plus rares d’entreprises proposant des modèles de fondation. C'est par exemple le cas de la start-up parisienne H qui a levé plus de 200 millions d'euros fin mai, au moment du lancement de Vivatech. Elle ambitionne de développer des modèles de fondation pour améliorer la productivité des entreprises.