Réformer l’aide américaine avec la blockchain
L’administration Trump prépare une réforme de l’agence USAID en misant sur la technologie blockchain pour renforcer la transparence et la traçabilité des fonds humanitaires.
L’administration Trump envisage une restructuration profonde de l’agence américaine d’aide au développement (USAID), avec un projet visant à l’intégrer directement au département d’État et à l’outiller avec des technologies de registre distribué. Selon des documents internes relayés par plusieurs médias, l’agence serait rebaptisée U.S. International Humanitarian Assistance et verrait ses mécanismes de distribution de l’aide sécurisés et tracés via la blockchain.
Une approche fondée sur les résultats
La réforme s’inscrit dans une logique de "modernisation de la commande publique", avec l’introduction de paiements basés sur les résultats plutôt que sur les moyens. L’idée centrale : rendre les flux d’aide plus transparents, traçables et sécurisés, en s’appuyant sur les propriétés immuables et vérifiables de la technologie blockchain.
Le mémo cité par Wired évoque des "distributions sécurisées et tracées pour augmenter radicalement la sécurité, la transparence et la traçabilité". Le document ne précise pas si des cryptomonnaies ou stablecoins seraient utilisés, ou si la blockchain servirait uniquement de registre numérique.
Cette stratégie s’inscrit dans une tendance plus large portée par la Department of Government Efficiency (DOGE), une entité récemment créée sous l’impulsion d’Elon Musk. Le DOGE promeut l’usage des technologies émergentes pour réduire les coûts et rationaliser les agences fédérales.
Une réforme critiquée par les acteurs humanitaires
Si l’exécutif met en avant l’innovation, les réactions du secteur humanitaire sont plus réservées. Plusieurs experts pointent un manque de clarté sur la valeur ajoutée réelle de la blockchain dans ce contexte.
Des initiatives pilotes ont pourtant vu le jour : le HCR a distribué des aides en stablecoins aux déplacés ukrainiens en 2022, et la Croix-Rouge du Kenya a testé des projets similaires. Mais les experts préviennent : pour les petites ONG, adopter de nouveaux systèmes peut s’avérer coûteux et complexe.
Un recentrage stratégique de l’aide américaine
La proposition de réforme limiterait également le champ d’action de l’agence, désormais recentrée sur trois axes – sécurité, prospérité, et force – chacun piloté par une agence dédiée sous l’autorité du secrétaire d’État. Des priorités comme la santé mondiale ou la sécurité alimentaire, historiquement portées par USAID, seraient réduites.
En parallèle, l’administration Trump souhaite que les financements soient conditionnés à des indicateurs tiers mesurables, et non à des déclarations des bénéficiaires. Ce changement de paradigme inquiète certains agents de terrain : dans les zones de crise, la flexibilité est essentielle et les financements rigides basés sur des résultats quantifiables peuvent nuire à l’efficacité des interventions.
Une réforme controversée, à portée incertaine
Certains volets de la réforme, notamment le changement de nom de l’agence ou sa subordination au département d’État, nécessiteraient une autorisation du Congrès. Mais une partie des changements pourrait être mise en œuvre par décret, comme cela a été amorcé en janvier avec le gel temporaire des paiements de USAID.
Cette initiative s’inscrit dans une dynamique plus large de l’administration Trump, qui affiche une volonté affirmée d’inscrire la blockchain dans les politiques publiques. Le président a récemment déclaré vouloir faire des États-Unis la "superpuissance incontestée du Bitcoin et capitale mondiale des cryptos".
Reste à savoir si cette stratégie sera perçue comme un pas vers la modernisation ou comme une instrumentalisation technologique au service d’un recentrage idéologique. À court terme, les acteurs humanitaires attendent des clarifications sur les modalités concrètes de la réforme, alors que le débat sur l’avenir de l’aide extérieure américaine s’annonce plus vif que jamais.