Les défis et enjeux de la tokenisation des actifs pour le secteur financier.
Cette nouvelle édition des Paris Innovation Nights s'est penchée jeudi 19 septembre sur la tokenisation des actifs financiers et son adoption par le secteur.
A l'occasion d'une nouvelle édition des Paris Innovation Nights, un nouveau panel d'experts s'est penché jeudi 19 septembre sur le sujet des défis et enjeux de la tokenisation des actifs pour le secteur financier. Autour de la table, Stéphane Blemus (Digital Finance Expert chez White & Case LLP), Kais Haj Taieb, Group Senior Blockchain & Data Lead chez Crédit Agricole), Ivar Moesman, director of Business Development chez Blockstream), Sylvain Prigent, Co-founder et CPO de Société Générale - Forge) et Alexandre Laizet (Digital Assets Lead chez Accenture).
Autour de la table, le même sentiment domine : la tokenisation présente de nombreuses opportunités pour le secteur financier, et ce dernier est en train de se saisir du sujet. "85% des banques systémiques déploient des solutions à l'échelle dans la tokenisation. Pour autant, l'écosystème est encore fragmenté aujourd'hui. L'enjeu des prochaines années va être d'avoir des standards communs" affirme Alexandre Laizet. Les banques justement, sont représentées dans ce panel par Société Générale-Forge et Crédit Agricole, deux acteurs qui étudient depuis longtemps la tokenisation et ses enjeux,
Pourquoi faire le choix de la tokenisation des actifs ? Alexandre Laizet propose un premier élément de réponse : "Grâce à la tokenisation, on va avoir sur le même outil le cash et l'actif financier, ce qui va permettre des échanges instantanés." Il est rejoint en ce sens par Kais Haj Taieb : "Il y a un gain opérationnel pour les banques et pour l'ensemble des acteurs. Aujourd'hui, les chaînes "cash" et "titres" sont séparées, avec des métiers qui ne communiquent pas beaucoup entre eux". Dès lors, passer à des systèmes tokenisés permet de n'avoir qu'une seule chaîne et donc potentiellement de réaliser des économies et réduire les risques de contrepartie.
"On voit aujourd'hui des cas d'usage qui s'accélèrent autour de la tokenisation", explique Stephane Blemus, qui cite l'exemple de la tokenisation de fonds. "Il y a aujourd'hui un potentiel important dans le secteur des paiements, notamment transfrontaliers, via les stablecoins et les monnaies digitales de banques centrale", avance de son côté Kais Haj Taieb, qui cite les expérimentations récentes de la Banque centrale européenne ou de la Banque des règlements internationaux en la matière.
Pourtant, de nombreux acteurs du secteur financier rechignent à passer le pas de la finance décentralisée et notamment de la tokenisation, même si Stéphane Blemus observe un intérêt croissant pour le sujet. "Il y a une sorte de Fomo (fear of missing out) chez beaucoup d'acteurs régulés, moins causé par l'évolution américaine que par la peur d'être en retard vis-à-vis des pairs européens." Selon lui, si le retard en matière de technologie vis-à-vis des Etats-Unis semble trop important, il existe chez les acteurs européens la crainte d'être disrupté sur le marché national ou européen. Une affirmation qui se vérifie pour Stéphane Blemus chez les acteurs bancaires, les asset managers, mais aussi les infrastructures de marché, à l'image des initiatives récentes de Deutsche Börse ou de Six en la matière. "Les acteurs français même les plus conservateurs ne pourront pas ne pas réagir à l'aube de 2025" affirme-t-il.
Quels défis demeurent alors ? Pour Sylvain Prigent, il s’agit notamment de traiter la tokenisation d’actifs financiers comme un sujet d’infrastructure de marché : "Les infrastructures de marché sont aujourd'hui très compétitives" explique-t-il, ce qui rend compliquer d’imposer la tokenisation dans un système rétif au changement : "Il faut parvenir à changer l'état d'esprit des acteurs d'infrastructures de marché." Un changement d’état d’esprit, qui, selon l’ensemble des participants, apparaît comme le défi majeur pour permettre une adoption généralisée de cette technologie.