Blockchain : Une adoption freinée par des défis multiples
Une étude menée par les universités de Surrey et Cardiff met en lumière les raisons complexes de la lente adoption de la blockchain par les organisations.
Malgré les promesses de la blockchain, cette technologie peine à convaincre les organisations, même dans des secteurs comme la finance ou la gestion de la chaîne d'approvisionnement, où son impact pourrait être majeur. Une étude récente menée par des chercheurs des universités de Surrey et Cardiff a analysé 75 études scientifiques et identifié 880 facteurs d’adoption, révélant des barrières significatives et des opportunités encore sous-exploitées.
Publiée dans la revue Technological Forecasting & Social Change, cette recherche offre une analyse complète et rigoureuse de l’adoption de la blockchain. Les chercheurs ont utilisé une approche systématique en combinant analyses qualitatives et quantitatives, adoptant deux cadres complémentaires : le modèle TOE (Technologie-Organisation-Environnement) et le modèle BEnA (Barrières-Facilitateurs-Ambiguïtés). Ces approches permettent de cartographier les obstacles et les leviers tout en intégrant la complexité multidimensionnelle des processus d’adoption.
Une multitude d’obstacles identifiés
L’étude révèle que la blockchain fait face à des barrières tant technologiques qu’organisationnelles et environnementales. Sur le plan technologique, les entreprises évoquent la complexité technique, les défis liés à l’interopérabilité des systèmes, et des limites comme la faible évolutivité ou le coût élevé de mise en œuvre. Par exemple, l'absence de standards communs entre blockchains ou avec d’autres systèmes existants constitue un frein important. À cela s’ajoutent des tensions entre les qualités attendues, comme la transparence et la confidentialité des données.
Sur le plan organisationnel, des enjeux comme la résistance au changement, le manque de vision stratégique et l’insuffisance des compétences internes ralentissent les projets blockchain. Par exemple, la difficulté à intégrer cette technologie aux systèmes hérités (legacy systems) est souvent citée comme un facteur décisif. Enfin, les facteurs environnementaux jouent également un rôle clé : des incertitudes réglementaires, le manque de politiques gouvernementales claires et des pressions concurrentielles limitent les initiatives.
Un constat marquant de l’étude est la stagnation des recherches académiques sur la blockchain. Depuis 2020, aucune nouvelle thématique n’a émergé, signe d’un phénomène d'« involution » où les chercheurs approfondissent des sujets existants plutôt que d’en explorer de nouveaux. Cette approche entraîne un enrichissement excessif des mêmes thématiques, comme la sécurité ou la traçabilité, sans générer de perspectives innovantes. Ce manque d’évolution pourrait ralentir les avancées dans la compréhension et l’adoption de la blockchain.
Des pistes pour surmonter les blocages
Face à ces constats, les chercheurs formulent plusieurs recommandations pour débloquer le potentiel de la blockchain. Ils insistent sur l’importance d’une coopération renforcée entre les décideurs politiques, les entreprises et les universitaires. En établissant des cadres réglementaires clairs et en standardisant les pratiques technologiques, les décideurs pourraient réduire les incertitudes et encourager les investissements. De plus, une meilleure sensibilisation aux bénéfices réels de la blockchain, notamment en termes de réduction des coûts et d'amélioration de la traçabilité, pourrait accélérer son adoption.
Au niveau organisationnel, les entreprises devraient renforcer leur capacité à gérer les changements internes, en investissant dans la formation et en promouvant une culture d’innovation. Enfin, l’étude suggère que les chercheurs adoptent une approche plus interdisciplinaire, explorant de nouveaux angles tels que l’impact environnemental ou les applications dans des secteurs émergents comme la santé ou le métavers.
Alors que d’autres technologies numériques comme le cloud computing ou l’intelligence artificielle connaissent des taux d’adoption exponentiels, la blockchain reste en marge des grandes transformations numériques. Pourtant, ses avantages potentiels, notamment en matière de confiance, de transparence et d’efficacité, sont largement reconnus. En levant les obstacles identifiés dans cette étude et en ouvrant de nouvelles perspectives de recherche, la blockchain pourrait enfin se hisser parmi les outils indispensables à l’ère numérique. Mais pour cela, elle devra passer du statut de promesse technologique à celui de moteur de transformation durable.