Vers un abandon du dollar numérique
Le président de la Réserve fédérale américaine, Jerome Powell, a affirmé que tant qu'il resterait en fonction, les États-Unis n’émettront pas de monnaie numérique de banque centrale (CBDC).
Lors d’une audition devant le Comité bancaire du Sénat, le président de la Réserve fédérale américaine Jerome Powell a garanti aux législateurs qu’aucun dollar numérique ne verrait le jour sous sa présidence. Interrogé par le sénateur de l’Ohio Bernie Moreno, il a répondu par un simple "oui" lorsqu’on lui a demandé s’il pouvait s’engager à ne jamais émettre de CBDC (monnaie numérique de banque centrale.
Cette prise de position est une évolution par rapport aux déclarations passées de la Fed, qui laissaient entendre qu’une monnaie numérique restait une option envisageable. En mars 2024, Powell déclarait encore que les États-Unis étaient "loin de recommander, et encore plus d’adopter, une monnaie numérique de banque centrale".
Une orientation politique marquée
L’annonce de Powell s’inscrit dans un contexte de durcissement des positions républicaines sur les monnaies numériques. Dès son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump a signé un décret interdisant l’émission d’un dollar numérique, bien que de nombreux experts doutent de la portée juridique d’une telle décision.
Un projet de loi anti-CBDC, porté par le représentant républicain Tom Emmer, a été adopté à la Chambre des représentants en mai 2024, avant d’être transmis au Sénat. Avec une majorité républicaine au Congrès, l’opposition au dollar numérique est devenue une priorité politique.
Un choix qui contraste avec les tendances internationales
Alors que les États-Unis rejettent l’idée d’une monnaie numérique, d’autres grandes puissances explorent activement cette voie. La Chine expérimente depuis 2020 le yuan numérique, avec des tests en conditions réelles à grande échelle. Le Japon, la Turquie et la Russie ont également initié des programmes pilotes pour leurs propres monnaies digitales.
Dans ce contexte, le refus américain de s’engager dans cette direction marque une divergence importante avec les tendances internationales. La mise en place de monnaies numériques publiques vise souvent à moderniser les systèmes financiers, à améliorer l’inclusion bancaire et à renforcer la souveraineté monétaire face aux cryptomonnaies privées.
Les arguments des opposants au dollar numérique
Les détracteurs d’un dollar numérique avancent plusieurs raisons pour justifier leur position. Certains élus républicains considèrent que la création d’un dollar numérique rapprocherait les États-Unis "d’un modèle de surveillance à la chinoise", en raison des capacités accrues de suivi des transactions qu’impliquerait une telle monnaie.
D’autres estiment qu’une CBDC pourrait menacer la liberté financière et la vie privée, en donnant à l’État un contrôle direct sur les comptes des citoyens. Des institutions comme le Cato Institute ont salué l’annonce de Powell, jugeant que "les monnaies numériques de banques centrales présentent des risques pour la liberté financière, la confidentialité et les marchés".
Enfin, du côté des banques, on craint que l’introduction d’une monnaie digitale publique ne fragilise le rôle des établissements financiers traditionnels en réduisant leur part dans la gestion des dépôts et des paiements.
Un coup d’arrêt définitif ou un débat reporté ?
Si Powell a affirmé qu’aucune CBDC ne serait émise sous sa présidence, son mandat à la tête de la Fed prend fin en mai 2026. La question du dollar numérique pourrait donc être remise sur la table sous une nouvelle administration.
D’ici là, les États-Unis vont observer comment les expériences menées à l’étranger évoluent. La Chine et d’autres pays pourraient démontrer l’intérêt de ces monnaies numériques pour faciliter les transactions et moderniser le système financier.