Philippe Aghion : « L’IA a le potentiel de générer de la croissance et des emplois »

Publié le 9 juillet 2024

A l’occasion de l’évènement « L’IA et la croissance » organisé par La Place et Qant, l’économiste est revenu sur l’impact de l’IA sur la croissance et l’emploi.

« ChatGPT a été une formidable accélération dans la révolution de l’IA. Pour atteindre un million d’utilisateurs il a fallu deux ans et demi à Netflix, deux mois et demi à Instagram et cinq jours à ChatGPT ». Présent à La Place Fintech à l’occasion de l’évènement « L’IA et la croissance » qui s’est tenu jeudi 4 juillet, l’économiste Philippe Aghion est revenu sur la révolution ChatGPT, l’explosion de l’IA générative depuis bientôt deux ans, et sur son impact sur la croissance et l’emploi. L'intelligence artificielle (IA) suscite aujourd'hui des perspectives divergentes. D'une part, l'économiste Daron Acemoglu du MIT, cité par Phillipe Aghion, présente une vision pessimiste, considérant que l'IA entraînera plus de destructions d'emplois que de croissance. Philippe Aghion, professeur au Collège de France et à l’Insead, propose lui une vision plus optimiste, bien que prudente : « Je pense que l’IA a le potentiel de générer de la croissance et des emplois, mais qu’il faut que nous adaptions nos politiques et nos institutions. »

Philippe Aghion identifie deux principales façons dont l'IA pourrait stimuler la croissance économique. Premièrement, l'automatisation des tâches dans la production de biens et services : « En remplaçant l'effort humain par du capital physique en offre illimitée, elle augmente la croissance de la productivité. » Deuxièmement, l'IA se distingue par sa capacité à automatiser la production d'idées : « Elle aide à trouver des solutions à des problèmes complexes ; elle facilite l’imitation et l’apprentissage, et elle peut devenir auto-améliorante. »

Cependant, Aghion souligne que les gains de productivité potentiels de l'IA ne sont pas garantis, en raison notamment du manque de concurrence. Il critique la domination des grandes entreprises technologiques, les Gafam : « On a assisté à l’émergence d’entreprises superstars, les Gafam, qui ont pu faire des acquisitions sans limites. Elles ont porté la croissance au début, mais ont fini par décourager l’entrée de nouvelles entreprises sur le marché. » Il regrette que les politiques antitrust n'aient pas été adaptées à l'ère des technologies de l'information et de la communication : « Les États-Unis auraient dû adapter leur politique de la concurrence à la révolution des TICs. Il y a comme en Europe une vision très statique de cette politique, sans regarder l’effet qu’une fusion-acquisition a sur l’innovation future. »

En ce qui concerne l'impact de l'IA sur l'emploi, Philippe Aghion se montre optimiste : « Globalement, l’adoption de l’IA augmente l’emploi. » Il s'appuie sur une étude réalisée auprès de 9 000 entreprises, qui montre que celles adoptant l'IA recrutent davantage. Selon lui, « L’IA permet d’être plus productif, donc plus compétitif. Elle permet donc d’obtenir une part de marché plus importante pour les produits, une demande plus grande, et donc plus d’emplois. L’effet de productivité l’emporte sur l’effet de substitution. C’est vrai au niveau global, mais ce n’est pas uniforme pour tous les emplois. »

Si certains emplois deviendront obsolètes en raison de l'IA, Aghion insiste sur le fait que ce phénomène n'est pas nouveau : « Certains emplois vont être remplacés, mais cela a été le cas avec toutes les révolutions technologiques. » Pour tirer parti des avantages de l'IA, il est essentiel de ne pas diaboliser cette technologie tout en développant des solutions appropriées : « Il faut dédiaboliser l’IA, tout en sachant que cela marchera si nous développons les bonnes solutions. »

Parmi ces solutions, Aghion propose une amélioration du système éducatif et une flexisécurité de l'emploi similaire au modèle danois. La transformation des métiers nécessite une réponse à la fois française et européenne. « Nous sommes à un moment où l’Europe doit relever le défi. Elle ne peut pas se permettre d’être à l’arrêt pendant trois ans et laisser les États-Unis avancer. » L’économiste fait ici référence à la crainte d’un système politique français à l’arrêt à la suite des dernières législatives (la conférence s’est tenu entre les deux tours des élections législatives).

En somme, bien que les avis divergent sur l'impact de l'IA, Philippe Aghion reste optimiste quant à son potentiel pour stimuler la croissance et l'emploi, à condition que des politiques adaptées soient mises en place pour favoriser l'innovation et la concurrence.

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